Par Loïc Armel KENGNE WAFO,
Etudiant en droit public, Université de Yaoundé II SOA
Etudiant en droit public, Université de Yaoundé II SOA
Le 1er janvier 1960,
après des années de servitude et de colonisation, le Cameroun accédait à
l’indépendance (du moins sur les papiers).un demi siècle après ce jour
historique, des incertitudes planent quant à l’avenir de l’Afrique en
miniature.
Au « berceau de nos
ancêtres »[1]
en effet, sévit une multitude de problème qui compromettent sérieusement son
avenir ; on peut sans être exhaustif citer : la corruption,
l’injustice, les détournements de fonds, le tribalisme …ETC
Tous ces problèmes qui minent
notre pays font couler beaucoup d’encre et de salive certes !mais, on peut
les résumer en un thème fédérateur : LE
PATRIOTISME. Il s’agit de l’amour que nous ressentons pour notre
« terre chérie »[2],
et de ce point de vue, la question qui se pose est de savoir si les camerounais
aiment leur pays .dit autrement, les citoyens camerounais sont ils
patriotes ?
Cette question est la plus
importante car c’est l’amour que ressent une personne pour sa patrie qui la
pousse à servir ce pays. Au Cameroun, la question vaut son pesant intellectuel
car face aux dérives de ce pays, on peut mettre en doute le patriotisme des camerounais (II).mais
avant de soutenir une telle assertion, il sied dans un premier temps d’élucider
la notion même de « patriotisme » (I).
I- CONSIDERATIONS SUR LE PATRIOTISME.
Le terme « patrie »
vient du latin « pater » qui veut dire « père »,la patrie
est donc notre « père »,c’est le pays auquel on appartient comme
citoyen[3].la
patrie, c’est le pays qu’on aime par-dessus tout : le patriotisme est
donc, de ce point de vue, l’amour de sa patrie .Charles DE GAULLE
disait, « le patriotisme c’est aimer son pays ».si le
patriotisme renvoie comme nous le
constatons à l’amour de son pays(B), on ne peut véritablement le comprendre
qu’a travers l’étude de son fondement ultime :le civisme(A).
A- LE CIVISME, fondement ultime du
patriotisme.
L’idée qui régît l’ordre sociétal
est celle de l’intérêt général. En effet, par soucis de l’intérêt de tous, dans
le « contrat social »[4]
les hommes se sont fixé des règles ayant pour but la préservation du bien
commun[5].
Le civisme consiste donc au
respect de ces différentes règles car ce bien commun nous interpelle tous et
nous en sommes responsables chacun a son niveau. C’est le civisme qui nous fait comprendre que nous devons travailler
pour faire avancer notre pays : c’est à ce niveau que nait l’idée de
« devoir » car on peut lire dans
la constitution que chacun doit participer aux charges publiques[6].
Le civisme signifie, outre le
respect des règles, que nous avons des devoirs envers notre patrie, le devoir
d’assurer sa souveraineté, le devoir de défendre ses intérêts qui sont en
réalités nos intérêts. Le civisme implique aussi le devoir de vivre ensemble,
dans la paix.
C’est dire au demeurant que le
civisme est le sentiment qui nous pousse à être responsable de notre patrie,
c’est le sentiment qui nous pousse à comprendre que nos droits sont
indissociables de nos devoirs[7].
Mais, le civisme ne peut se réaliser sans amour.
B- LE PATRIOTISME, l’amour de son
pays.
Le civisme est le fondement du
patriotisme qui, se démarque par son caractère un peu plus affectif, en sorte
que le patriotisme est la somme de l’addition « civisme +
affection ».
Le patriotisme, c’est l’amour de
son pays, le sentiment qu’on a une dette envers ce pays qui nous a tout
donné ; une dette envers nos aïeux qui se sont battus pour nous : un
auteur disait en effet, « le patriotisme c’est l’amour du
passé ».
Comment ne pas aimer sa
patrie ? Patrie à propos de laquelle écrivait Paul
LEAUTAUD, « vous êtes nés dans ce pays et vous en êtes fier et vous
lui êtes attachés »[8].
C’est pour cela qu’un patriote doit être ému devant les emblèmes nationaux (drapeau,
hymne, devise). Un pays exemplaire dans ce domaine, c’est bien les Etats unis
d’Amérique du nord : les américains sont de très bon patriotes, qui aiment
leur pays et en sont jaloux à un point tel que les autres n’existent pas pour
eux.
En outre, le patriotisme implique
l’idée de solidarité. Cela, les français l’ont bien compris en 1789[9].
Le texte de la révolution, considéré par les juristes comme étant les droits de
l’homme de la troisième génération après ceux énoncés par les pactes de 1966[10],
sou tend l’idée de solidarité entre les citoyens[11]car,
être patriote c’est aussi aimer son prochain, le respecter et être indulgent
avec lui.
Etre patriote, c’est aussi être
prêt à faire des sacrifices pour sa patrie car « si la guerre est
horrible, le patriotisme ne serait il pas l’idée qui
l’entretien ? »S’interrogeait Guy DE MAUPASSANT[12].
Toutefois, le patriotisme n’est pas haine des autres.
C’est tout simplement l’amour de
son pays, la fierté d’appartenir à ce pays et le sentiment de devoir défendre
ce pays partout ou besoin sera. Si c’est ce sentiment que ressentent les
américains, les français et tous les autres, quid des citoyens
camerounais ?
II- CITOYENS CAMEROUNAIS ET PATRIOTISME
Lorsqu’on regarde les agissements
des camerounais (pas tous quand même !) on se rend compte qu’ils ne sont
pas patriotes, aussi pouvons nous affirmer qu’il y’a une absence flagrante de
patriotisme au Cameroun (A). Or le Cameroun doit se développer et pour cela il
faut des citoyens patriotes. Voila pourquoi il faut reconstruire le patriotisme
(B).
A- UNE ABSENCE FLAGRANTE DU PATRIOTISME
AU CAMEROUN.
Ce que nous essayons de démontrer
ici c’est que les camerounais ne sont pas patriotes, le patriotisme étant pour
eux une notion étrangère. Plusieurs faits démontrent cet état des choses.
D’abord, l’égoïsme. En effet, les
camerounais ne pensent qu’à leurs intérêts personnels sans se soucier des
autres or le patriote n’est pas égoïste. Ce qui est déplorable c’est que cet
égoïsme se retrouve même dans les plus hautes sphères de l’appareil étatique et
on peut le voir ! C’est par exemple le cas de ces « vieux » qui
ne veulent pas céder la place aux autres, ils croient que l’Etat est leur
patrimoine, mal leur en prendra un jour !
L’autre fait qui démontre
l’absence de patriotisme c’est le fait pour des hauts responsables de l’état de
distraire les fonds publics et de les utiliser à des fins personnelles[13].
C’est absolument déplorable car le patriote doit préserver les biens communs et
non les aliéner. D’ailleurs, ces « détourneurs » sont inintelligents
car par leurs actes ils se font du mal à eux-mêmes et sans s’en rendre compte
non, non et non ! Il faut mettre fin à la cleptomanie au sein de nos institutions.
Il y a aussi le problème des
mentalités, les camerounais sont très matérialistes. Le camerounais se souci de
sa petite famille à l’exclusion de ce qui peut se passer chez le voisin, bref
il n’est pas solidaire des autres. Pour s’en convaincre, il faut jeter un regard
sur la société et on se rendra compte qu’il y a une minorité qui vit
paisiblement et au détriment des autres. Or nous l’avons vu plus haut, le
patriotisme c’est aussi la solidarité. Ce problème de mentalité[14]
débouche sur le non respect des emblèmes nationaux. Comment ne pas être ému à
l’écoute de notre hymne national ? Comment ne pas être ému lorsqu’on
arbore le drapeau de notre pays ? Ils portent le drapeau de la république
sur leur épaule mais pourtant ils sont corrompus ; il décide d’enlever le
maillot de la république à l’entrée d’un match important de coupe du
monde ; il porte le maillot du Cameroun mais il est prêt à le vendre à
cause d’une querelle personnelle : tout ceci choque avec l’idée
« d’amour de sa patrie ».
La nation, c’est-à-dire la
« volonté de vouloir vivre ensemble »[15]
est un élément important du patriotisme. Mais au Cameroun elle se heurte au
tribalisme, et on se pose une question : est ce que un citoyen qui aime
son pays peut soutenir une thèse qui prône la division alors même que la
constitution proclame « la fierté de la diversité culturelle et
linguistique »[16] ?
Un autre problème est la fuite de nos cerveaux pour aller servir les patries
des autres : il ne faut pas les en vouloir à tous car voulant revenir au
pays après avoir acquis beaucoup de connaissances, la diaspora se heurte à
l’égoïsme du système en place.
On constate, au regard de tous
ces fléaux qu’au Cameroun, le patriotisme n’est pas « la chose du monde la
mieux partagée »[17].
Face à cet état des choses, il faut reconstruire le patriotisme camerounais.
B- LA RECONSTRUCTION DU PATRIOTISME AU
CAMEROUN.
L’éducation apparait comme étant
le principal moyen d’éduquer la population au patriotisme. Notre patrie nous
appartient, le Cameroun est un héritage historique, spirituel et culturel. Il
ne faut pas perdre de vue que pour que nous puissions avoir des routes, il a
fallu que nos ancêtres travaillent durement et aujourd’hui, nous devons
respecter ce travail, travailler aussi pour les générations futures.
Le patriotisme est basé d’abord
sur la connaissance : voila pourquoi l’éducation est primordiale. On
devrait d’abord enseigner aux jeunes l’histoire de leur patrie, les sacrifices de nos parents pour que nous
puissions vivre aujourd’hui, les peines qu’ils ont endurés .il est
primordial pour un patriote de connaitre son histoire car dit on, « si tu
ne sais d’où tu viens, comment savoir ou tu vas ? ». De ce point de
vue, on peut se réjouir de l’enseignement de l’éducation civique dans les
écoles mais le bémol se trouve dans le contenu des programmes pédagogiques qui
ne suscitent pas assez d’émotion chez les jeunes.
Les nouvelles techniques de
l’information et de la communication[18]
pourraient aussi jouer un grand rôle dans la construction du patriotisme. En
effet, des émissions d’histoire et de civisme ne seraient pas de trop car les
« NTIC » sont un très grand moyen d’éducation populaire. En outre, la
famille est aussi un moyen d’éducation au patriotisme car finalement c’est le
même sentiment que l’on ressent pour sa famille qu’on devrait ressentir pour sa
patrie.
Le patriotisme devrait être enseigné
aux forces armées encore plus qu’à tout le monde car c’est eux qui ont la
charge d’assurer l’intégrité et la sécurité
du territoire au risque de perdre la vie. Pour risquer sa vie au champ
de bataille, il faut être patriote. Reconstruire le patriotisme c’est dire aux
camerounais que, à chaque fois, nos actes doivent mettre en avant l’idée
d’amour et de préservation de la patrie.
CONCLUSION.
Peuple camerounais ! Le
Cameroun nous appartient, c’est une Afrique en miniature et nous devons en être
fier car pour nous, « ce pays est supérieur à tous les autres »[19].c’est
ce pays qui nous a tout donné et c’est avec un très grand regret que nous
constatons notre incapacité à tout le lui rembourser.
|
Soyons en conscient et renouons avec le patriotisme !!!
[1]
Hymne national camerounais
[2]
Hymne national op cit
[3]
Exple : le Cameroun est notre patrie
[4]
Cf. j.j ROUSSEAU, du contrat social
[5]
On peut citer ici les différentes normes qui régissent la société
[6]
Loi constitutionnelle 18 janv. 1996, préambule
[7]
Les hommes ont des droits et des devoirs (cf. loi const op cit)
[8]
Paul Léautaud - 1872-1956 - Passe-temps
[9]
Cf. déclaration des droits de l’homme et du citoyen
[10]
Pacte relatif aux droits civils et politiques ; pacte relatif aux droits
économiques sociaux et culturels, 1966
[11]
Cf. cours de droits et libertés fondamentaux, prof B-R GUIMDO
[12]
Guy de Maupassant - 1850-1893 - Les Dimanches d'un bourgeois de Paris
[13]
L’expression consacrée est : « détournement de fonds
publics »
[14]
E NJOH-MOUELLE, DE LA MEDIOCRITE A L’EXCELLENCE
[15]
Cf. S.E Paul BIYA, discours du cinquantenaire de l’indépendance, 2010
[16]
Préambule loi const op cit
[17]
Pour reprendre René DESCARTES
[18] NTIC
[19] George Bernard Shaw - 1856-1950
[20] Cf. hymne national du Cameroun,
refrain
Excellente réflexion d'un jeune étudiant de Droit Public camerounais...A lire absolument...
RépondreSupprimerLes bases y sont. Les réflexions plus nourries, plus à la hauteur des enjeux, suivront.
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