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mercredi 30 décembre 2009

D’UNE VISION GLOBALE AUX RÉALITÉS LOCALES

SEPTEMBRE 2009 N°24
Bulletin de liaison
du Réseau Régional des Acteurs de
la Coopération Décentralisée et de la Solidarité Internationale

D’UNE VISION GLOBALE AUX
RÉALITÉS LOCALES

Par Gervais Wafo Tabopda,
chercheur associé à l’US
140 Espace de l’IRD d’Orléans

Faire évoluer nos modes de production
et de consommation constituera, dans un
proche avenir, l’un des objectifs prioritaires
de la sauvegarde de l’environnement
et de la promotion d’une agriculture durable.
Réfléchir à ces évolutions nécessite
non seulement une analyse globale, mais
aussi une approche multiscalaire au Nord
comme au Sud, de l’ensemble des acteurs
du développement, à toutes les échelles
de décision, une réflexion à différentes
échelles, du niveau global aux réalités
locales.
La thématique en elle-même - produire et
consommer autrement, peut être perçue
comme un projet généraliste si on s’en
réfère au manque de caractérisation du
contexte des discours qui s’y intéressent
et au déficit des échelles géographiques
dans ces derniers.
Une réflexion sur cette vision implique, au
Nord comme au Sud, le monde rural, les
paysanneries, la production agricole, les
technologies de production, les circuits
de distribution et les comportements des
consommateurs dans leurs diversités et
leurs caractéristiques propres.
Du global au local en passant par le régional,
on ne saurait produire et consommer
autrement, sans tenir compte des disparités
qui caractérisent les chiffres, les
données, les stéréotypes médiatiques, les
milieux géographiques et les territoires.
Il en est de même pour les systèmes de
production, les circuits de distribution et
la qualité de cette production.
En somme, ces éléments ne peuvent pas
être considérés indépendamment des
niveaux de perception ou des échelles
géographiques appropriées, à l’instar
d’un territoire ou d’une collectivité territoriale.
Ainsi, penser la transformation
des formes de production et de consommation
nécessite une structuration et
un encadrement au niveau local, gage
d’une généralisation au niveau global et
d’échanges constructifs, dans le cadre
d’une coopération décentralisée, entre
le Nord et le Sud par exemple.

vendredi 27 novembre 2009

Les aires protégées sont-elles des gadgets écologiques ?

En un demi-siècle, des parcs nationaux et des réserves ont été créés partout, sans qu’un véritable volontarisme politique et organisationnel ne leur succède pourtant.
Par Gervais Wafo Tabopda*
wafo@ird.fr

Au Cameroun comme partout ailleurs en Afrique, la gestion de l’environnement commence bien avant la période coloniale. Cependant, le développement des zones protégées sous leur forme moderne prend ses racines pendant la période coloniale. La réappropriation par l’État du Cameroun de cette pratique commence en 1960 au moment de son accession à l’indépendance. L’évolution des politiques de conservation connaît sa phase décisive dans la mouvance du sommet de la Terre de Rio de Janeiro avec la création du tout premier ministère de l’Environnement et des Forêts, en mars 1992. La mise en place d’une structure administrative dotée d’une organisation moderne et adaptée aux questions liées à l’environnement marque le début de l’ouverture du débat écologique au Cameroun et l’assainissement du secteur de la protection et de la conservation des milieux.
En effet, depuis l’indépendance du Cameroun en 1960, la gestion des aires protégées tout comme celle des ressources a été tour à tour confiée à quatre départements ministériels (Agriculture, Élevage et pêche, Tourisme et Développement rural). Le transfert de la direction de la faune et des aires protégées du ministère du Tourisme au ministère de l’Environnement et des forêts en 1992, permet désormais de moderniser les structures d’intervention et la mise sur pied d’une stratégie efficace de suivi de l’environnement global du Cameroun. Cependant l’adaptation du cadre juridique constitue l’une des principales priorités des pouvoirs publics après Rio.

L’adaptation au cadre juridique
La législation camerounaise de 1994 sur les forêts, la faune et la pêche de 1994 apparaît comme l’aboutissement logique du cadre réglementaire et légal qui permettra d’être en conformité avec les instruments existants sur le plan du Droit international en matière de conservation et de gestion de la biodiversité. Cette loi constitue aujourd’hui le texte de référence sur les questions d’environnement. Cependant, pour être efficace, la politique d’un État en matière d’aires protégées doit harmoniser le cadre théorique global et le cadre pratique à l’échelle de la plus petite unité territoriale. Est-ce le cas au Cameroun ? Depuis la promulgation de la loi sur les forêts, l’accent a été mis d’une part sur l’adaptation des politiques de conservation classiques à l’approche participative dans les aires protégées déjà en place et d’autre part sur l’élaboration de nouveaux projets de conservation ex-nihilo intégrant dès le départ l’approche participative ; l’objectif étant de respecter les engagements pris au travers des ratifications des différentes conventions internationales, notamment la multiplication des superficies protégées.
Cependant, les plus grandes réalisations du ministère de l’environnement et des forêts se sont limitées à la réhabilitation de quelques aires protégées déjà existantes, au reclassement de certaines et à la création de nouvelles aires protégées sans relation directe avec les catégories connues de l’Uicn. Cas du sanctuaire de faune de Banyang-Mbo dans la province du Sud-Ouest créé en 1996 sur le site d’une ancienne réserve forestière. Sa mission est d’assurer la conservation de la biodiversité faunique.
Pour être en accord avec les différentes conventions et déclarations qu’il a ratifiées, le Cameroun s’est également doté depuis 1996 d’un Programme National de Gestion de l’Environnement. Ce programme a pour objectif de veiller à la mise en application des recommandations de la déclaration de Rio. Il s’agit plus précisément de suivre les politiques de développement intégré. Celui-ci institue une réelle participation des populations locales et des Ong aux politiques d’aménagement du territoire et de conservation des aires protégées.
La politique de conservation de l’environnement au Cameroun comme dans la plupart des pays du Sud est centrée autour de la protection des espaces. Face à l’évolution de la législation et de la création des aires protégées, on peut s’interroger sur les réelles motivations de l’État et la finalité de la mise en place de ces espaces. Les décisions de création des aires protégées s’intègrent-elles dans un plan global d’aménagement du territoire ? La décision ministérielle de 2002 portant mise en défens de la zone d’intervention du projet de conservation et de gestion de la biodiversité de Campo-Ma’an est assez révélatrice de la situation. En effet cet espace est assez isolé pour être intégré dans un processus national de conservation. Cette aire protégée est née de la fusion de la réserve de faune de Campo créée en 1932 à l’époque coloniale et celle de Ma’an créée après l’indépendance en 1980. En 2000 Campo-Ma’an a été érigée en parc national. Sa superficie totale est de 709 760 hectares dont une zone intégrale de 290 232 hectares.
Le cas de la réserve de Campo-Ma’an suscite quelques inquiétudes pour deux raisons. D’abord, le projet de conservation arrive tardivement ; ensuite, en admettant qu’il en existait un, au moment de la création, nous constatons que la mise en place de ce projet ne respecte pas toute la démarche que nécessite la création d’un parc national. Les pouvoirs publics ont-ils procédé à une étude préalable de l’état des aires protégées existantes avant la mise en place de nouveaux projets ? Au moment de la redynamisation des politiques de protection et de conservation des aires protégées, un diagnostic s’avère nécessaire pour comprendre les échecs ou les succès précédents. Au Cameroun, les causes de maintien ou de destruction des zones en réserve sont variées et le choix du site y joue un rôle très important. Par ailleurs, le contexte socio-politique d’un pays, notamment le taux d’urbanisation ou l’accroissement démographique, peut avoir un impact sur la stabilité de ses aires protégées. C’est le cas de plusieurs réserves du Cameroun qui n’ont pas pu résister à l’évolution démographique des localités situées aux alentours ou à proximité.
La réserve forestière et de chasse de la région du Logone créé en 1938 et couvrant 40 000 hectares (à cheval sur les actuels départements de Mayo Kani et du Mayo-Danay dans la province de l’Extrême-Nord) n’a pas résisté aux migrations des populations Muzuk et Masa durant la seconde moitié du XXe siècle. De même les réserves forestières de Férengo et de Mayo Ibbé non loin de la ville de Maroua ont disparu sous la pression que la population urbaine, de plus en plus croissante, exerçait sur ses ressources ligneuses. Les exemples sont nombreux et se trouvent dans des zones à forte densité de population. La réserve forestière des monts Bamboutos créée en 1948 sur une superficie de 222 ha et située en pays bamiléké à plus de 1800m d’altitude, n’a jamais été reconnue par les populations locales qui y pratiquent des activités agropastorales. Par contre, la réserve forestière et de faune de Santchou créée en 1964 résiste encore grâce à sa situation sur un site difficile d’accès. Il en est de même pour le parc de Waza dans l’Extrême-Nord où la présence de grands mammifères et de fauves dangereux dissuade toute velléité d’anthropisation.

Conflits d’intérêts
Nous tentons ici d’identifier les sources des conflits potentiels qui peuvent subvenir entre différents acteurs, sachant que les rapports entre les parties prenantes souffrent parfois de nombreuses divergences. Il est important aujourd’hui d’inventorier les indicateurs de conservation ou de transformation de la biodiversité dans les aires protégées, les facteurs de vulnérabilité et les différents types de risques auxquels elles sont confrontées. Une telle démarche qui permettrait d’évaluer l’apport réel de chaque partie impliquée dans la gestion des aires protégées nous semble intéressante mais onéreuse. Le gouvernement camerounais a-t-il la capacité de mener un tel projet à l’échelle nationale ? Tel est le véritable problème auquel sont confrontés les gouvernements des pays du Sud au moment où le développement local doit aller de pair avec utilisation durable des ressources et conservation de la biodiversité.
Les pays du Sud sont généralement soumis à une double obligation : l’obligation de respecter les engagements pris auprès de la communauté internationale et l’obligation de promouvoir un développement socio-économique des populations dont ils ont la charge. Dans l’impossibilité de satisfaire à toutes ces obligations, ils sont parfois obligés de recourir à des financements extérieurs pour la mise en place des programmes de conservation de l’environnement ; ces financements provenant des fonds qui appartiennent à des structures internationales. Cette situation s’apparente à ce qui peut être qualifié de dépendance écologique des pays en développement vis-à-vis des organismes internationaux et des organisations non gouvernementales. Cette dépendance se manifeste par le fait que les fonds destinés à la conservation proviennent de ces structures internationales qui accaparent des domaines importants d’action publique quelques fois au mépris de la souveraineté des États sur leurs ressources et en violation des dispositions de l’alinéa 4 et de l’article 3 de la Convention sur la diversité biologique.
Dans la plupart des pays en développement, la mise sur pied des projets de développement prenant à la fois en compte les besoins des populations et la sauvegarde de l’environnement s’avère difficile. En effet, ces projets sont conçus à partir des structures ayant des logiques différentes de celles des sociétés concernées. Cette divergence d’opinion en amont est l’une des principales sources de conflit entre les parties prenantes. Il s’en suit des confrontations à tous les niveaux de décision ; ces confrontations pouvant à terme laisser des traces au niveau local, notamment dans la dynamique globale des espaces protégées.
L’efficacité d’un projet de développement durable dépendra donc de la qualité du plan d’aménagement global. Celui-ci aura considéré en amont le développement socio-économique et la conservation des ressources comme des priorités. Ceci est peut-être vrai pour les pays développés où l’aménagement du territoire est mieux structuré. Dans les pays d’Afrique par contre, l’occupation de l’espace précède les programmes d’aménagement. Les stratégies de gestion intégrée des milieux dits protégés se heurtent aux obstacles et incompréhensions à tous les niveaux d’organisation. C’est ce qui explique l’impossible dialogue entre les différents acteurs intervenant dans ces projets. D’où une autre source potentielle de conflit : la complexité de la gouvernance de l’environnement au sens large. Les questions liées à la conservation de l’environnement sont au coeur des débats de tous ordres. Elles suscitent de grandes réflexions au plan politique, économique, social, culturel et stratégique. Nous pensons que les questionnements autour des aires protégées vont au-delà de celles portant sur les ressources à protéger.

* Docteur en géographie. Thèse : « Les aires protégées de l’Extrême-Nord Cameroun entre politiques de conservation et pratiques locales », septembre 2008.

L’URGENCE D’UN DIALOGUE EN FAVEUR DU CLIMAT

Gervais Wafo Tabopda
Docteur en Géographie
Spécialiste des politiques de conservations
La conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP15), de Copenhague, plus qu’un ultimatum climatique est le premier défi face auquel est confrontée l’humanité en ce XXIe siècle débutant.
Il ne s’agira pas de signer des conventions ou des protocoles qui depuis la conférence de Washington de 1940 sur la préservation de la nature ont fait couler beaucoup d’encre.
Il ne s’agira pas non plus d’une grand-messe où se côtoient des scientifiques de tout bord, ou d’un terrain de confrontation entre idéologies divergentes.
Copenhague pour la première fois, devra pour les bienfaits de l’humanité, poser les bases d’un consensus réel sur les rapports qui existent entre les plus forts et les plus faibles, entre les plus riches et les plus pauvres, entre les Nord et les Sud.
Le plus important ne sera pas de mettre en place des instruments relevant des mécanismes contraignant du Droit international, encore moins de les faire appliquer par les pays signataires, mais de faire de la gestion durable des ressources de la planète, une cause universelle fondée sur l’équité, la justice et le bien être de tous. C’est là la responsabilité à prendre pour la garantie de l’existence même des générations futures.
Pour cela, les acteurs impliqués devraient parler d’égal à égal et fixer ensemble le cap à tenir. Les USA, la Chine ou le Brésil devront accepter de discuter d’égal à égal avec le Mali, la Malaisie ou encore le Venezuela. L’Union Européenne parlera au nom de 27 pays, tandis que les pays en développement pour la plupart démunis face aux affres des changements climatiques parleront individuellement. Par conséquent, il est t impératif de promouvoir un vrai dialogue entre les peuples et redéfinir un nouveau type de rapport dans les relations internationales, ne serait-ce que face aux problèmes écologiques.
S’il est question pour tel ou tel d’apposer sa signature sur un document dont il ignore totalement le contenu ; document qui devra par la suite être soumis aux différentes organes législatives des pays concernés pour approbation ; il ne sert à rien d’organiser une conférence pour ça. Avec les outils que nous offrent les technologies de l’information, une visioconférence suffit, tout comme des signatures électroniques.
Plus que jamais, Copenhague devra être l’occasion d’écouter toutes les inquiétudes de tous ceux qui vivent au quotidien les conséquences de l’anthropisation sauvage de la planète. Qu’ils s’agissent des indiens d’Amérique latine ou des pygmées d’Afrique centrale dont l’espace de vie suscite désormais des enjeux sans que leur point de vue soit pour autant pris en compte ; qu’ils s’agisse du paysan burkinabé dont la production cotonnière dépend de la durée annuelle des précipitions, ou encore de l’apiculteur européen dont le sort est désormais lié à la durée de l’hiver ; ils sont nombreux à se poser des questions auxquelles la seule signature de tel ou tel pays n’apportera jamais de réponse pertinente.
Les solutions aux problèmes que pose les changements climatiques existent. Il faut désormais les appliquer. Purement et simplement. Les formules chimiques, les instruments juridiques ou les calculs des lobbies n’ont pas leur place à Copenhague.
La seule chose dont il devra être question du 7 au 18 décembre sera l’adoption d’une solution durable aux problèmes climatiques. C’est actuellement la seule garantie d’une existence humaine après notre « civilisation ».